Réalisées par Mohand SACI
En arrivant à Roissy, des pancartes sur le comptoir d'enregistrement annoncent qu'en raison
du G20 qui se tient à Séoul à partir de jeudi, la sécurité est renforcée. Effectivement, après
les détecteurs et la fouille, au moment de l'embarquement, une nouvelle vérification des
passeports et un nouvel examen des bagages.
Et en arrivant à Séoul, fouille des bagages à main.
C'est intéressant d'envisager de travailler dans la rue dans un tel contexte.
à la fin du séjour, Dimanche soir, il est prévu une réception officielle à la Mairie de Guro,
quartier de Séoul qui organise ce festival dans le cadre de son jumelage avec Issy-les-
Moulineaux.
Le G20 a beaucoup perturbé les organisateurs, premier résultat il n'y avait plus de place dans
les hôtels, nous sommes relégués près de l'ancien aéroport. Beaucoup de temps perdu en
perspective, quand on connaît les encombrements de Séoul.
La première journée est une mise en route un peu longue et officielle : après le repérage des
lieux, rendez vous avec le maire de Guro : un moment d'anthologie bureaucratique, à la fois
chaleureux et guindé, une première rencontre avec le sous-chef, puis avec le chef, avant d'être
introduit dans le bureau du maire : tous assis à une table, thé, échange de cartes (j'aurais du
en emporter plus), compliments d'usage, et le Maire qui me pose des questions écrites par le
sous chef, il avait son papier sous les yeux. J'essaye de raconter notre rapport à la fois amical,
artistique et familial avec la Corée, mais on revient invariablement aux questions écrites.
Puis on file au lycée des arts, ou nous devons rencontrer les étudiants : là encore, protocole,
café, cartes de visite, visite d'une salle, une belle salle de théâtre dont tous les lycées français
rêveraient, pour finalement apprendre qu'elle est trop occupée et qu'on nous mettra dans
un gymnase. 2 heures perdues, et voilà nos étudiants.On nous en avait promis 20, ils sont
12...pas de problème, l'administration fournit le complément.
Ils sont en uniforme, veste et chandail jaune, pantalon ou jupe plissée bleu foncé, pas très au
courant de ce qui les attend.
Mais la démonstration de David en Padox crée le lien, comme partout, et le travail commence,
avec des jeunes qui ont certainement une habitude du théâtre, qui ne sont pas timides, même
assez délurés, égalité garçons filles, ce qui est peu courant, et quelques éléments vraiment
intéressants de spontanéité.Des filles qui osent rire en montant leurs dents, c'est rare en
Corée, des garçons très entraînés, qui jouent avec leur corps. On commence à avoir une
relation chaleureuse, l'apprentissage des prénoms crée des rapports amicaux, et, à la fin, ils
ne veulent plus partir, nous proposent des morceaux de leur dîner (pizzas sous vide, lait et
petits gâteaux), on n'arrive pas à se quitter.
Depuis le début, la traductrice et deux employés de la mairie ne nous quittent pas, du matin
au soir, pour les repas et les déplacements. On réussit à les lâcher en demandant de dîner à
l'hôtel.
La traductrice est un vrai problème, elle parle mal, vocabulaire limité. Je demande à changer,
on me dit que tous les traducteurs sont pris par le G20 ! Eh oui, il n'y a pas que les hôtels.
Pendant le repérage, à la gare de Guro, nous croisons nos collègues de Retouramont, avec
lesquels nous avions dîné la veille Ils répètent leur danse verticale dans le froid rendu aigu
par un vent fort. Quel courage. C'est un groupe impressionnant qui fait des merveilles, nous
les avions vus avant de partir, à l'Eglise St Eustache, dansant sur les piliers avec une dextérité
prodigieuse.
Alors, il faut se bagarrer pour avoir une salle de travail, on nous demande de changer de lieu
tous les jours, le programme évolue par une sorte d'improvisation.
Heureusement nos jeunes stagiaires, futurs professionnels, sont très motivés, accrochés au
travail, généreux de leur temps et vraiment très ouverts. Alors, on avance bien, mais c'est
pesant.
L'automne en Corée est splendide, les teintes rousses des arbres donnent à Séoul une parure
exceptionnelle. La ville traversée par un fleuve est bordée de collines puis de montagnes, la
nature envahit la ville dans des parcs et des zones vertes inattendues, où beaucoup de coréens
pratiquent le sport tôt le matin. Et c'est la cohabitation des Palais et temples anciens, et des
immeubles ultramodernes.
La vie est agitée, souvent stressante, au point que nos amis, les danseurs à la verticale de
Retouramont, qui répètent devant la gare, sont étonnés de ne voir que de rares personnes
s'arrêter.
C'est le début des sorties dans la rue. Nos Padox s'habillent dans un couloir glacial du lycée, l'administration est vraiment rude, mais ils ne rechignent pas, et en bus nous sommes conduits sur la place principale de Séoul.
Débarquement devant le Palais Royal, et chance, nous arrivons au moment de la relève de
la garde, en costumes très anciens : les Padox vont quelques instants monter la garde eux
aussi, et les soldats coréens éclatent de rire, ils n'ont pas le sérieux des gardes de Buckingham
palace.
Puis après une traversée d'une large avenue, nous voilà sur la place, ou toutes les télévisions
coréennes nous attendaient.Nous commençons à jouer sur l'herbe, cueillette de fleurs, petite
sieste, mais les télés sont très pressantes, veulent une interviews avec les Padox en fond de
décor, la municipalité de Guro qui les avait convoqués ainsi que toute la presse écrite, veut
des photos avec la banderole : Guro est une des communes qui forment Séoul, et là nous
sommes hors Guro, au coeur de Séoul, c'est un acte de propagande auquel nous sommes
obligés de nous livrer. Et ce n'est pas fini.
Une jolie scène autour de nappes posées au sol ou des femmes en costume traditionnel
expliquent la cérémonie du thé et le fleurissement de la nappe, les Padox participent à la
démonstration, puis retour au palais Royal, bain de foule, et à côté de la porte du Palais, nous
découvrons un vieux sage en prière pour la paix dans le monde , battant de façon lancinante
un tambour, a genoux vers les banderoles qu'il avait installées, Les Padox s'agenouillent avec
lui, sans moquerie, et un beau moment de méditation pour la paix s'instaure.
On aide des portefaix à décharger une charrette, puis c'est le retour à la Mairie de Guro, repas
rapidement pris avant la deuxième sortie, sur l'esplanade d'une gare.
Le jeu commence, mais la municipalité déboule, le maire vient se faire photographier et
filmer avec les Padox, on lui cire les pompes, là encore nous subissons une forte pression des
chaînes de Télé pour poser autour du Maire. Nous avons la fâcheuse impression d'être utilisé
à des fins électoralistes .En arrivant nous avions remarqué que les Padox figuraient sur les
images de la ville comme un personnage fétiche.
Ensuite seulement les Padox vont à la rencontre d'un public nombreux, beaucoup d'enfants très souriants et affectueux se prennent d'amitié pour nos personnages. Retour au Lycée pour une courte répétition des "4 saisons" qu'on jouera dimanche, et l'on se quitte. Tout le monde est bien fatigué, mais à la demande des profs, on fait un topo sur le théâtre de rue, le sens de Padox, l'évolution du théâtre hors les murs .
Voici le dernier jour, la présentation des "4 saisons". Miracle, en arrivant au théâtre, ce
matin tôt, tout était prêt, les techniciens ont travaillé toute la nuit pour aménager la scène
et nous permettre la cohabitation avec les rockers. On sent un désir de bien faire et qui est
touchant. Les réglages vont vite, répétition avec nos étudiants en fin de matinée, tout à coup
la télé déboule, veut interrompre pour faire une interview, ils en profitent pour prendre deux
scènes et ont la patience d'attendre la fin pour l'entretien. Question étonnante, pourquoi
l'orage dans les "4 saisons"... Je brode sur l'orage, la tempête intérieure de chaque être
humain, la journaliste, une très jolie fille digne d'une publicité pour L'Oreal, semble tout à
fait satisfaite de cette réponse de Freud de Prisunic.
La représentation arrive, la salle est pleine, majorité d'enfants qui ont vu les Padox dans les
rues.Nos étudiants sot formidables, précis, un peu déroutés par les applaudissement toujours
assez peu fournis des enfants . Jeanne fait un tabac avec les phrases qu'elle dit en coréen pour
faire parler le petit Padox.
L'ami Kim vient faire un petit discours d'encouragement aux étudiants, et tout le monde se met à ranger.
Ce qui nous surprend le plus, c'est l'évolution du comportement des étudiants. Comme tous
les Coréens, ils sont très réservés, les corps ne se touchent pas, mais comme les Padox ont
embrassé copieusement le public dans la rue, ils ont pris goût à ces embrassades très sud-
américaines, et tous, garçons et filles, viennent nous dire au revoir en se plongeant dans nos
bras. En six jours, il y a eu une transformation notable, un désir d'approcher l'autre, aux
antipodes de la distance asiatique qui se résume dans une courbette et un échange de cartes.
Plus que jamais le directeur des études souhaite que nous revenions pour un stage prolongé.
La journée se termine par un dîner bling bling offert par la municipalité aux artistes du
festival et à la délégation de la Mairie d'Issy-les-Moulineaux, la ville jumelle. On touche le
fond, le comble du ridicule.Dans un restaurant traditionnel superbe et délicieux, on doit subir
des discours, des présentations individuelles de chacun sous les applaudissements, la présence
de personnages de vaudeville en la personne des représentants d'Issy...On se souviendra
longtemps de la chemise du premier adjoint, brillante, comme couverte d'argent! Le maire du
Guro distribue des cadeaux, un tambour en porcelaine pour le Maire d'Issy, André Santini,
et à chaque artiste... une boîte pour se faire des ongles fantaisie !!! Difficile de garder notre
sérieux. Heureusement le discours nous a été épargné, celui du premier adjoint d'Issy-les-
Moulineaux est une succession de lieux communs.
Jeanne fait bien rire tout le monde quand au moment de l'incontournable photo finale, pour
le sourire général elle lance "Kimchi les Moulineaux". Il faut savoir que le Kimchi est le
choux fermenté, plat national coréen, et que pour sourire, les coréens ne disent pas "cheese"
mais "Kimchi" .
Et voilà, demain matin le départ, mission accomplie. Kim dit qu'il parlera de nous au grand
festival de Séoul, moins politique, et électoraliste que celui de Guro où nous avons été
copieusement instrumentalisés.
Mais il faut que ce soit avec Artaud Padox, un spectacle plus "sérieux".
Dominique Houdart
Novembre 2010
Cie Dominique Houdart-Jeanne Heuclin
12 RUE VAUVENARGUES
75018 PARIS
Tel 01 42 81 09 28
GSM 06 11 87 62 77
Siret: 353 180 813 00035
APE 923 A
Licence cat 3 n 15816
La Compagnie est conventionnée par le Ministère de la Culture, DRAC Ile de France.
Tous droits réservés. Copyright 2003-2004 Compagnie-houdart-heuclin.fr
Ce site est prévu pour Mozilla et IE 5.x en 1024x768.
Stage Padox pour les élèves de l'Ecole du Théâtre du Chêne Noir à Avignon, les 1er et 2 avril, sorties dans les rues d'Avignon les 12, 13 et 16 avril.
Nous pouvons accueillir quelques stagiaires ne faisant pas partie de l'Ecole.