Compagnie Dominique HOUDART - Jeanne HEUCLIN

NARCISO

Narciso, un opéra de chambre de D. Scarlatti.

Rome 1714. Domenico Scarlatti est le Maître de Chapelle de Maria Casimira, Reine de Pologne. Cette dernière, installée au palais Zuccari, était au centre d'une importante activité créatrice. Elle disposait d'un théâtre, dont les dimensions modestes et l'absence de machineries, rendaient délicats les changements de décor.

 Avec la complicité de deux autres génies, le scénographe Filippo Juvarra et le librettiste Carlo Capeci, Scarlatti va transcender ces difficultés et créer un chef d'oeuvre qui fera par la suite le tour de l'Europe.

 Cette pièce, que ses dimensions font qualifier d'opéra de chambre, porte le titre poétique mais long de "Amor d'un'ombra e gelosia d'un'aura" (Amour d'une ombre et jalousie d'une brise). Pour les reprises, on préfèrera celui de "Narciso" (Narcisse), du nom du héros grec qui conduit l'intrigue. Pour certaines de ces reprises, l'orchestre fut étoffé, le livret rallongé.

 Nous avons choisi de nous tenir au plus près de la version originale, avec une dizaine d'instruments.

 La musique est celle d'un jeune prodige fécond et inspiré. On connait surtout la musique pour clavecin de Domenico Scarlatti. Ses 600 sonates pour clavecin font trop facilement oublier sa musique vocale (15 opéras, 60 cantates, musique religieuse), également virtuose, brillante et personnelle. Certains airs de Narciso sont très en avance sur leur époque par leur lyrisme ou leurs modulations. L'influence de son père Alessandro se fait néanmoins sentir dans la rigueur du contrepoint, parfois négligée par les compositeurs italiens. Les instruments sont également très sollicités, et l'écriture montre à  quel point le compositeur connaissait leurs techniques. L'utilisation exclusive des voix aigües est caractéristique de l'opera seria de cette époque, qui réservait généralement les voix graves de baryton ou de basse à  des personnages ridicules ou secondaires. Naturellement certains rôles, pas nécessairement masculins d'ailleurs, pouvaient être chantés par des castrats.

En dehors du rôle titre, les protagonistes sont la nymphe Echo, la reine d'Athènes Procris, et son prétendant Céphale. Un mystérieux monstre, dragon féroce ou sanglier ravageur selon les sources, hante les forêts avoisinantes.

 Le drame du livret est matérialisé par la musique : les couples qui s'aiment s'entredéchirent en raison de leurs passions, on dirait de nos jours de leurs névroses. Les airs expriment les tourments des personnages avec un réalisme préromantique caractéristique du jeune compositeur.

 Les morts violentes des différents personnages donnent lieu à  des plaintes languides et des révoltes exaltées.

 Le doute est exprimé par un clair-obscur étrange. Pas un air qui ne soit nécessaire pour une action dramatique tendue et efficace. Après tant de désastres, l'hymne à  l'Amour final sonne, a contrario, comme un retour à  une réalité qui ne permet pas aux passions de s'exprimer.  Une fois de plus, le mythe reste actuel, et la lecture de Scarlatti le rend émouvant. Jean-Christophe Frisch

NARCISO, OU L'EAU DU PALINDROME SYMBOLIQUE

 "On ne rêve pas profondément avec des objets. Pour rêver profondément, il faut rêver avec des matières. Un poète qui commence par le miroir doit arriver à  l'eau de la fontaine s'il veut donner son expérience poétique complète" Gaston Bachelard, L'eau et les rêves p.33

  "L'eau aussi est le regard de la terre, son appareil à  regarder le temps" Paul Claudel, - L'oiseau noir dans le soleil levant

"Narciso". Narcisse et Echo. Ces personnages, issus des "Métamorphoses" d'Ovide, de la mythologie, nourriture essentielle des psychanalystes, nous renvoient à  un symbolisme total. L'opéra de Domenico Scarlatti "Narciso" met en jeu l'amour, une chaîne d'amour : Céphale aime Procris qui aime Narcisse, Echo (la nymphe) aime Narcisse qui aime son image... autant de flèches lancées par l'Amour, autant de traits tirés entre chaque être, autant de blessures, de désespoirs, de morts symboliques. Autre symbole significatif : Narcisse -l'homme, lorsqu'il se mire mortellement dans l'eau, dans le reflet de son image, est transformé en Narcisse Fleur. L'homme symbolique devient fleur symbolique, le symbole se mire en un symbole, en un palindrome issu de l'eau.

Nous sommes au coeur du Baroque, des "Vanités" où des fleurs superbes s'épanouissent dans le voisinage d'images de la mort. Amour et mort, fleurs symboles de la fragilité de la vie et de l'inconstance de l'amour, c'est sur ce thème que la mise en scène se développe.

 Comme dans le Bunraku japonais, les chanteurs donnent le souffle du chant, la vie, à  des fleurs symbolisant leur personnage, et vont, à  distance, communiquer par ces fleurs : joute de fleurs, de fines fleurs, on se lance des fleurs, on conte fleurette, on se fait des fleurs, on se couvre de fleurs, à  fleur de peau, à  fleur de sel, à  la fleur de l'âge, fleurs personnages, fleurs-marionnettes manipulées dans l'abstraction du théâtre noir.
Dominique Houdart  Gracieux opéra pour l'oreille et l'oeil

 Aérien et beau, où les voix, la musique et les marionnettes-fleurs sont en harmonie

Beau, gracieux et poétique. Une représentation d'opéra qui était autant une découverte visuelle qu'une jouissance musicale, c'est ainsi qu'était l'opéra de fleurs Narciso. Car ceci n'est pas un opéra où les chanteurs jouent les rôles, ici la plupart des choses se passent dans un merveilleux jeu d'échange entre les marionnettes, ou plus exactement les personnages-fleurs qui créent les images les plus remarquables et les plus belles.

 Tout l'opéra devient comme une longue suite d'épisodes qui nous rappellent les images tridimensionnelles de notre enfance. La scène est littéralement un grand cadre extérieur et un plus petit cadre, plus profondément installé à  l'intérieur de la scène. Dans l'intervalle noir travaillent les marionnettistes pour créer profondeur et espace des façons les plus étonnantes. Une scénographie merveilleusement belle, qui donne l'atmosphère baroque d'exubérance et de modulation que ce style réclame.

 Le motif baroque avec les fleurs est en contraste aigu avec le sujet sanglant et autodestructeur tiré de la mythologie grecque. L'amour y est continuellement mis à  l'épreuve, la plupart des choses finissent dans la mort et le désespoir. Céphale aime Procris qui aime Narcisse et la nymphe Echo aime Narcisse qui s'aime lui-même à  tel point qu'il sera transformé en cette fleur. Pas étonnant que les flèches d'Amour aillent dans toutes les directions et causent davantage de souffrance que de bonheur.

 La famille Scarlatti a laissé derrière elle de profondes traces dans l'histoire de l'opéra. Le père Alessandro fut le compositeur le plus en pointe et forma l'opéra napolitain qui devait devenir fondamental dans le développement de cette forme de musique. Le fils Domenico entraîna ce strict et méthodique style d'opéra plus avant, entre autres parce qu'il laissa à  un degré plus important le contenu dramatique du texte diriger la musique, comme nous le voyons dans Narciso.

L'opéra de Scarlatti est empreint de voix lumineuses, deux soprani, une mezzo-soprano et un ténor l'interprètent. Le chant et la musique sont tous les deux aériens, presque parlant dans leur expression.

 L'intrigue, longue et détaillée, n'est pas facile à  suivre mais on y est aidé par un surtitre.

 Le langage en lui-même est si affecté et beau qu'il exige les longues arias chantées. Personnellement j'ai plutôt laissé la musique, le jeu des marionnettes et le chant créer l'atmosphère magique qu'avait cette représentation. Je n'ai jamais vu de jeu de marionnette aussi amusant dans le commentaire et aussi accordé à  la musique et au chant ! Le style baroque n'est pas seulement exubérant, toute l'époque fut une période d'expérimentation. Dans cet opéra on trouve ce trait dans les emplois changeant de tempo, de dynamique et un usage varié du solo instrumental.

 La musique suit tout de même le modèle, les récitatifs, arias et duos obligatoires. Mais elle coule cependant dans un courant de belles sonorités. Le charmant hymne final à  l'amour en est un sommet naturel. L'orchestre joue avec un effectif qui crée une atmosphère intime de musique de chambre.  Les soprani Cyrille Gerstenhaber et Patricia Gonzalès et la mezzo-soprano Gemma Coma-Alabert ont soutenu jusqu'au bout la performance de force de plus d'une heure et demi avec des phrasés et des ornements délicats. Précis et d'un style juste, différent de la tradition de l'opéra plus tardive, il n'y a pas ici d'explosion de puissance et de sentiments violents mais de la maîtrise tout le long.

 Le ténor Christophe Einhorn chante aussi simplement et d'un bon style, d'une voix claire et haute qui s'avère tout à  fait juste pour ce style de chant, les voix d'hommes plus profondes étant réservées aux clowns et aux bouffons dans les débuts de l'opéra baroque.

 Un public attentif à  Logen rendait cette aventure plus riche encore. Narciso se compose de récitatifs, airs et duos, avec un hymne final à  l'amour entonné par la distribution au "grand" complet. L'orchestre se compose de quelques cordes, d'un théorbe, d'un hautbois, de deux clarinettes et du clavecin. Une formule intime, chambriste, interdisant tacitement toute grandiloquence scénique.

Bernard Halter SCENES MAGAZINE

"Dominique Houdart, l'auteur de la mise en scène, a intelligemment opté pour un théâtre de marionnettes - en l'occurrence d'élégantes fleurs géantes - sans les redondances naïves et niaiseuses que le genre connaît parfois. Affranchi de ses contraintes physiques, ce jardin suspendu, véritable mise en abîme des personnages, virevolte et danse. Les chanteurs, vêtus de noir, semblent fondus dans le décor et les éclairages subtils. Les sopranos Cyrille Gerstenhaber, Patricia Gonzalès et la mezzo-soprano Gemma Coma-Alabert séduisent par leur souplesse vocale, leur émission délicate et le soin apporté à  l'ornementation. Le ténor Christophe Einhorn (Céphale) possède une voix claire et haute qui convient fort bien à  ce répertoire. L'unique représentant masculin de la distribution parvient à  tirer son épingle du jeu sans verser vocalement dans l'ultra-démonstratif. Humble et stylé, son chant a fort bien épousé les contours et la sensibilité de cet ouvrage méconnu qu'il serait de bon ton de diffuser plus largement encore."

Philippe Gélinaud OPERA INTERNATIONAL

 ..."Ces personnages ne sont pas anthropomorphes, mais en forme de fleurs, aeriennes ou enracinées, qui fournissent un miroir toujours élégant et souvent émouvant des tourments amoureux des quatre protagonistes. ... de magnifiques prestations tant de la part des instrumentistes que des chanteurs... Un beau spectacle qui devrait gagner en maturité."

Didier Hemardinquer. L'EST REPUBLICAIN

 ... "C'est plein de poésie et d'humour. Un opéra de poche de Domenico Scarlatti à savourer comme un bonbon délicatement parfumé."

Lekende Bergensavisen (Journal de Bergen, Norvège) (Samedi 24 mai 2003)

 "Les quatre excellents solistes accompagnés par un ensemble instrumental bien entraîné grâce au metteur en scène Dominique Houdart, ce fut une représentation tout ce qu'il y de plus plaisante et distrayante.
 "Tandis que les quatre solistes étaient tout simplement debout à  chanter, la scène se remplissait de remarquables figures ressemblant à  des fleurs qui flottaient gracieusement pendant qu'elles prenaient continuellement de nouvelles attitudes et façons qui s'adaptaient au texte chanté.
 Le tout était si élégamment exécuté que nous restions assis, nous demandant comment cela était techniquement possible, même avec l'aide d'une technique avancée de théâtre de marionnettes.
 Quand les cinq personnes jusqu'ici invisibles qui tiraient les fils s'avancèrent dans la lumière à  la fin de la représentation, il fut manifeste que les applaudissements du public les concernaient tout spécialement !"




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"NARCISO"

Ecouter l' extrait n°1, l'extrait n°2

de Domenico Scarlatti créé au Festival Musical de Besançon, interprété par XVIII-21, Musique des Lumières, dirigé par Jean-Christophe Frisch

Amour d'une ombre et jalousie d'une briseopéra de chambre créé à Rome en 1714

Mise en scène de Dominique Houdart

Décor et marionnettes de Patrick Grey

Eclairages de Olivier Brugidou

Narciso, Cyrille Gerstenhaber

Eco, Gemma Coma-Alabert

Procri, Patricia Gonzalès

Cefilo, Christophe Einhorn
XVIII-21, Musique des Lumières direction Jean-Christophe Frisch
Première le 27 septembre 2002 à Besançon.
Spectacle coproduit par le Festival de Besançon et de Franche-Comté 2002 et la compagnie Dominique Houdart-Jeanne Heuclin.