Compagnie Dominique HOUDART - Jeanne HEUCLIN

LE COLPORTEUR GAZETTE DE LA COMPAGNIE

Août 2005

PADOX A PARIS

Les Padox seront dans le XXème arrondissement de Paris , Square des Cardeurs, rue Saint-Blaise en co-production avec le théâtre aux Mains Nues : du 10 au 23 avril 2005. Le stage s'adresse aux habitants du quartier et à toute personne désireuse de s'initier au jeu avec les Padox. En fin de présence dans le quartier, les Padox joueront Les Quatre Saisons de Vivaldi. La même opération sera menée

PADOX AU BRESIL

Nous revenons du Brésil ou nous avons mené une opération Padox avec 40 détenus d'une prison de Sao Jose de Rio Preto. Voici le journal de bord que nous avons tenu pendant cette expérience extraordinaire.

PADOX AVEC 40 DETENUS D'UNE PRISON AU BRESIL

Journal de bord des Padox au Festival International de Théâtre de Sao José de Rio Preto 15 au 24 juillet 2005

14 juillet

Paris-Sao Paulo, puis 5 heures de bus pour rejoindre Sao José de Rio Preto, belle autoroute qui longe des champs de canne à sucre à perte de vue, ponctués d'orangers. La canne à sucre est arrivée à maturité, notre bus double des camions tirant deux remorques, acheminant le fruit de la récolte vers les usines qui la transformeront en alcool, cachasse ou carburant économique et moins polluant. Mais pour faciliter la récolte les propriétaires brûlent les champs de canne, provoquant une autre pollution de particules noires qui envahissent l'atmosphère. Lulla est à Paris, nous arrivons à Rio Preto, ville de 400.000 habitants, moderne, sans monuments fameux, mais vaste, verte, avec, au centre un grand lac où vivent des oiseaux colorés.

Visite des lieux de ce Festival étonnant et inattendu, un des plus importants du Brésil, mêlant les spectacles de rue et la scène traditionnelle, sans compter une friche industrielle superbe, reste d'une filature construite par les anglais, il y a 100 ans. Rues piétonnes animées, théâtre de verdure au-dessus du lac. Le thème du festival, L'oeil du cyclone, O Ohlho da Furacao, le calme au milieu de la tempête, le lieu de la réflexion au milieu de l'agitation du monde.

Le directeur du Festival, Jorge Vermelho , et le Secrétaire à la Culture de la Ville, Alaor Ignacio, nous ont proposé un objectif passionnant : avec nos Padox, marionnettes habitables de rue, mettre en jeu 40 détenus d'une prison de réinsertion. Habituellement, ils travaillent dans des entreprises ou dans le domaine agricole de la prison. Tous les soirs, ils nous rejoindront dans la Maison de la Culture, après leur journée de travail. Nous devons créer avec eux en quelques jours un spectacle, et préparer des interventions de rue. Ce travail avec des détenus est une expérience nouvelle, enthousiasmante et en même temps inquiétante, d'autant plus que la direction du festival nous propose de donner une représentation dans l'enceinte de la prison pour les autres détenus (ils sont 700) et leurs familles, dans le stade de l'IPA, Institut Pénitentiaire Agricole. Notre équipe est composée de 4 personnes pour encadrer la formation et les spectacles,, Jeanne Heuclin et moi sommes assistés par Albine Sueur, marionnettiste, et notre technicien Hervé Lacôte.

Vendredi 15 juillet

Mauvaise nouvelle, une caisse du matériel a été perdue à la douane de Sao Paulo, puis retrouvée, et l'ensemble arrivera en retard. On doit donc commencer la formation sans les costumes de Padox.

Premier contact avec les détenus : encadrés par leurs gardiens et leurs éducateurs, ils descendent du bus. Ils sont très disciplinés, en arrivant les 40 nous serrent la main en se mettant en file. On se croirait à un enterrement. Mais très vite l'atmosphère se détend, les premières explications sur le personnage de Padox, puis les exercices de jeu en choeur, les intéressent. A la pose, l'un d'entre eux prend la parole et dit qu'ils nous ont préparé un cadeau: c'est une superbe démonstration de capoeira faite par trois détenus et rythmée par les claquements de main de tout le groupe. C'est beau, impressionnant et émouvant, notre stage démarre sous le signe de l'échange.

Samedi 16 juillet

Les costumes sont arrivés à bon port, on sent que nos stagiaires ont hâte de découvrir le personnage. L'arrivée des détenus n'est plus cérémonieuse, on est heureux de se retrouver, et Jeanne fait une démonstration de Padox qui fait briller les yeux. Ensuite, distribution des costumes, et, spontanément, avec ceux qui sont prêts, une première improvisation, très juste, dans le jardin de la Maison de la Culture. Ils ont bien intégré les consignes de la veille, concernant le rythme, la timidité, l'allure de Padox.

Nous obtenons de travailler sur l'esplanade de la Maison de la Culture, car dans les salles trop petites et très sonores, il y fait chaud. Primitivement nous devions rester à l'intérieur et nous n'avions pas le droit de sortir pour des raisons de sécurité. Le jardin est entouré de grilles, on suggère qu'elles soient fermées, et l'autorisation nous est donnée de travailler en plein air. Nos 40 Padox entrent bien dans le jeu, et le premier essai de travail en choeur, sur la grande pelouse du jardin, est superbe. Immédiatement ils adoptent une qualité de jeu dans la lenteur et la gravité. Tous les spectateurs, gardiens, éducateurs, traducteurs, public qui longe les grilles, sont impressionnés par ce premier résultat immédiat.

La fraternisation est totale, ils nous appellent par nos prénoms, font des cadeaux aux membres de la Compagnie, des objets fabriqués par eux en détention. On se quitte dans les embrassades, les au revoir sans fin, les grands saluts lorsque les bus les ramènent à l'IPA.

Dimanche 17 juillet

Les éducateurs nous racontent que, pendant les pauses sur leur lieu de travail et dans la prison, entre eux, ils répètent les Padox, ils revoient les mouvements que nous leur avons appris, les actions collectives, les rituels pour s'asseoir ensemble ou traverser les rues.

Retrouvailles toujours aussi chaleureuses. En arrivant, ils nous demandent de commencer la séance par une prière commune. On forme un cercle en se tenant la main, ils disent qu'ils prient pour exprimer la communion avec nous, disent en portugais un Notre Père et un Je vous salue Marie, je conclus en leur disant que ce moment de recueillement est très symbolique du travail du groupe, et la répétition commence. Hélas, il pleut, il faut travailler dans le hall de la Maison de la Culture, trop petit et bruyant, mais ils sont tellement attentifs que nous avançons vite et bien. Ils veulent apprendre, s'acharnent sur les mouvements délicats, comme la marche sur place. En fin de séance, on leur offre une carte postale de Padox, et ils nous demandent tous une dédicace. A nouveau , des petits cadeaux, des embrassades, des au revoir , boa noite , amanha.

Lundi 18 juillet

Ce matin, visite de l'IPA, l'Institut Pénitentiaire Agricole. Réception par le Directeur dans son bureau, puis on nous montre les bâtiments, les travaux des détenus. C'est un centre de semi-liberté, ils travaillent, mais pas uniquement dans l'agriculture. Certains fabriquent des engins de gymnastique, d'autres de la vannerie, pour des entreprises privées. Puis nous allons dans la salle de télévision, le jardin, le lieu de détention, la cantine décorée par une reproduction de la Cène de Léonard de Vinci, et la cuisine. C'est l'heure du repas, ils font la queue, leur gamelle à la main, et nous retrouvons nos amis qui viennent nous saluer chaleureusement, devant leurs camarades de détention interloqués.

Superbe découvert, un de nos Padox, le plus âgé, Gabriel, nous avait dit qu'il était sculpteur et peintre. Il nous montre un Christ en croix émouvant, très touchant, taillé dans un seul arbre dont la forme l'a inspiré, et qui est suspendu dans le hall accueil de l'IPA. Ce n'est pas le travail d'un amateur, mais la création d'un artiste inspiré. La tête du Christ est un autoportrait de Gabriel, il est surpris qu'on s'en soit rendu compte.

Ce centre de détention nous semble exemplaire, c'est un centre de réinsertion plus que de détention. Il en existe 20 dans le seul état de Sao Paulo, Etat qui regroupe 40 % de la population carcérale du Brésil` La grande ville attire les pauvres du Nordeste, poussés à la délinquance pour survivre. Les éducateurs nous confient qu'il est probable que ce centre modèle soit amené à disparaître et que le terrain et les bâtiments soient cédés à l'Université.

Disparaître, ou du moins être déplacé, C'est stupéfiant,. Mais, comme souvent, la population locale voit d'un mauvais oeil la présence de cette institution et essaie de l'éloigner de la ville. Même si ce centre reste malgré tout une prison, si les détenus couchent en dortoirs de 68, si le réfectoire est peu accueillant, il règne dans ce lieu une atmosphère détendue, les rapports entre détenus et surveillants n'ont pas la raideur ou l'agressivité qu'on trouve dans les prisons traditionnelles. Bien sûr il y a des grilles et des barbelés, mais aussi un jardin bien entretenu, une ferme, une propriété agricole de 180 hectares, des jeux pour enfants installés et payés par les détenus pour accueillir les familles.

La religion a beaucoup d'importance dans leur vie, dans le Centre il y a une église évangéliste, et leur conversation est ponctuée de "si Dieu le veut", "grâce à Dieu", et ils tiennent beaucoup à notre prière oecuménique quotidienne.

La répétition du soir est menée tambour battant. Tout d'abord parce qu'ils sont bien intégrés au système Padox, ils l'ont très vite assimilé, ensuite parce que nous devons faire une première sortie, avec la moitié d'entre eux. Pour des raisons de sécurité, manque de gardiens, on nous autorise de ne sortir qu'avec 20 d'entre eux. Objectif, comme c'est le soir, accueil des spectateurs du festival au Théâtre Municipal. Il pleut à verse, on prend donc les parapluies, et nos Padox envahissent le hall d'accueil, le perron, abritent les spectateurs qui arrivent, jouent avec eux à l'intérieur, les aident à attendre l'ouverture des portes, dans une ambiance souriante et joueuse. Leurs attitudes, leurs improvisations, sont très justes. Les portes de la salle s'ouvrent, et, étant relié avec eux par talkie-walkie, je les invite à accompagner les spectateurs à leur place. Au dernier moment, arrive un handicapé en chaise roulante. Tous les Padox l'accueillent, poussent sa chaise jusqu'au premier rang des spectateurs. Toute la salle applaudit et nous rentrons à la salle de répétition où Jeanne faisait travailler l'autre groupe. Dans les bus, c'est l'euphorie, nos Padox sont rayonnants, heureux, fiers d'avoir vécu une telle expérience fortement valorisante. Ces grands gaillards ont besoin de considération, d'avoir confiance en eux. Cette soirée est pour eux un grand moment qu'ils racontent avec flamme aux autres. Demain c'est l'autre groupe qui sortira.

Seule fausse note triste et grave, un spectateur imbécile a osé dire, près d'un Padox : "ce sont les bandits de l'IPA". Celui qui a entendu cette réflexion bête et méchante me demande comment réagir dans ces circonstances. J'explique l'incident à tout le groupe, et comme l'accessoire principal de Padox est un mouchoir, je propose simplement de sortir le mouchoir de la poche et de pleurer. Ils sont d'accord avec cette proposition qui peut éventuellement amener la personne indélicate à réfléchir à ce qu'elle vient de dire, certains disent qu'il ne faut pas accorder d'importance à cet incident, qu'ils ont l'habitude, d'autres pleurent. Nous partageons complètement leur émotion. La communauté se resserre entre les détenus et la Compagnie.

Dans le hall du Centre Culturel où nous répétons, les travaux des détenus sont exposés. Gabriel m'offre une de ses toiles. Un des capoeiriste nous annonce qu'il va nous fabriquer un personnage en fer, il y travaillera pendant ses temps de loisir jusqu'au dernier jour.

Mardi 19 juillet

Les répétions avancent à un rythme soutenu. Nous préparons les "4 saisons" de Vivaldi, et aujourd'hui nous arrivons au terme de la mise en place. Il faudra peaufiner, mais déjà le spectacle est dessiné et chacun a une vision globale.

Une sortie dans la soirée, toujours à la porte d'un théâtre, ,le SESC, on reprend avec le deuxième groupe le jeu d'accueil et d'accompagnement des spectateurs.

La prière au début des répétitions devient un beau rituel, précédé d'un discours d'un des détenus qui parle de l'union au-delà des religions et des partis. Et puis les petits cadeaux continuent, Jeanne reçoit un chapeau fait au crochet, sur lequel sont brodés son nom, et les drapeaux français et brésiliens. Un autre sculpte son nom dans un savon.

Cette ambiance fraternelle est contagieuse. Détenus et gardiens s'évertuent à apprendre des mots de français pour nous les dire en arrivant. Dans le bureau des surveillants, il y a un dictionnaire français portugais, et un détenu a trouvé un vieux manuel et a appris le vocabulaire` de la mercerie !

Nous avons deux traducteurs, Karina et Andrea, qui nous aident avec la chargée de production, Camila. Cela nous semblait un luxe inutile, mais, à l'usage, ils n'étaient pas trop de deux pour traduire les conversations avec les détenus, avides de se raconter, de nous connaître, de communiquer. Ils nous parlent de leur famille, de leur avenir, nous montrent des photos, mais on évite d'aborder les raisons de leur détention.

Mercredi 20 juillet

Nous devions faire une sortie dans un grand Centre commercial ouvert le soir. Depuis deux jours, on nous donnait de fausses raisons pour annuler. Enfin la vraie raison arrive : problème de sécurité. Nous n'en parlons pas aux détenus pour ne pas les peiner, mais ils ont deviné. Ils en profitent pour nous signaler que la présence des gardiens est normale, mais qu'elle pourrait être plus discrete, et particulièrement lorsque nous arrivons quelque part, le fait d'être précédés d'un fourgon blindé de la police avec gyrophare rappelle au public que ce sont des détenus. On doit leur expliquer que même si on est très proche d'eux, nous ne pouvons pas transgresser les règles.

Jeudi 21 juillet

Séance de travail sans sortie pour avoir le temps d'aboutir le spectacle sur la musique de Vivaldi. Et en guise d'entracte, ils nous offrent une nouvelle démonstration de capoeira, cette fois accompagnée par le berimbau, instrument à une corde tendue sur un arc, avec un résonnateur fait dans une calebasse.

L'enthousiasme de l'équipe reste complet, mais accentué par une concentration de plus en plus forte. Nos 40 Padox en font un événement essentiel pour leur vie, pour réussir leur réinsertion.

Vendredi 22 juillet

Journée importante pour nous tous, C'est la grande sortie en centre ville et dans les rues piétonnes. Tout le monde arrive, rayonnant de plaisir, prière rituelle, suivie d'une sorte de cri de guerre, Padox ! Padox ! Padox !.

Et en route pour le marché, la place centrale, la galerie marchande. Le public est un bon partenaire, très rieur, les Padox jouent parfaitement, le plus souvent en équipe. Ils sont très attentifs à tout ce qu'on leur dit, à toutes les propositions. La foule grossit, les applaudit, les accompagne dans leur déambulation, les photographes, les télévisions ne les lâchent pas, les festivaliers sont tous là, mélangés au public populaire. La galerie marchande se remplit à la suite des Padox, et le jeu reprend de plus belle.

Après un déjeuner pris en commun au catering du festival, beau moment pour les détenus, l'après midi se passe à nouveau dans un jeu des Padox au centre ville, dans l'espace vert, les jets d'eau et la scène ouverte.

Le public est enthousiaste, la joie de nos Padox est énorme : "En 44 ans, je vis le jour le plus important de ma vie" dit Gabriel. Ils considèrent qu'ils ne verront plus la vie et la société de la même façon, ils ont eu là une expérience de la tendresse, de la gentillesse. Les réactions du public les mettent en totale confiance et l'incident du premier jour sur leur condition de détenu est un mauvais souvenir. D'autant plus que la presse commence à parler des Padox, à publier de nombreuses photos, à parler positivement de l'expérience. Déjà on commence à se dire que la fin sera douloureuse, pour nous tous : il y a un attachement incroyable entre nous.

Samedi 23 juillet

Le spectacle doit être créé dans l'enceinte de l'IPA, en présence des co-détenus et de quelques invités, presse, officiels de la Ville et du festival. Les conditions sont très mauvaises, la sono ne marche pas bien, on joue sur un terrain de hand-ball, en plein soleil, et le public est très loin, à l'ombre. La représentation se déroule correctement, malgré des accrocs avec la musique. La fin est chaleureuse, et les Padox sont encouragés par les témoignages des invités. Les codétenus sont discrets, mais certains viennent nous dire leur plaisir et leur étonnement.

Ce soir, on se retrouve dans le lieu nocturne du festival, salles de spectacles et grand bar, qui ouvre a 23 heures. Nous installons les Padox dans ce lieu étonnant, une friche industrielle, et nous les intégrons au décor. Figés, comme issus de la mémoire du lieu, ils accueillent le public, et au bout d'un long moment ils se mettent en mouvement pour des jeux individuels ou collectifs. La foule est énorme, l'accueil du public est enthousiaste, on a du mal à arracher nos Padox au jeu, au contact, au plaisir de l'improvisation. Après cette journée bien remplie, ils débordent d'enthousiasme, et commencent aussi à reparler du vide que va engendrer notre départ. Déjà ils nous annoncent des surprises pour le dernier jour, le lendemain. La nuit sera courte, on se couche très tard, pour se retrouver le lendemain matin.

Dimanche 24 juillet

En arrivant dans la salle qui nous sert de vestiaire, contiguë au bar, nous découvrons que deux talkies ont disparu, ceux qui nous servent à communiquer avec le groupe. Tous les détenus accusent le coup, ils craignent d'être accusés, parlent de provocation ou du moins d'acte malveillant pour les mettre en difficulté. On se débrouille pour assurer la communication, tellement indispensable pour les déambulations comme pour le spectacle. À dix heures, sortie autour d'un beau lac au centre ville, au milieu de la verdure, peuplé d'oiseaux et d'étranges animaux, sortes de ragondins gros comme des veaux, les cabiais, rongeurs herbivores et inoffensifs.

Une lente procession se met en place avec nos 40 Padox sur le pont de bois qui surplombe le lac et le marécage. Le public suit, séduit par la beauté du lieu, la lenteur du jeu, le silence contagieux et le graphisme des Padox dans le paysage. La déambulation se poursuit sur le même ton poétique, ils se répartissent sur une vaste pelouse qui descend en pente douce vers le lac, à l'ombre de beaux arbres. Le public les observe à distance, et n'intervient que lorsque les Padox les invitent à venir les aider à se relever après un moment de sieste dans l'herbe. L'air et doux en ce dimanche matin.

Au bord du lac, un hôpital psychiatrique est tenu par des religieux, qui acceptent la visite de quelques Padox. Pendant que le groupe joue tranquillement sur la promenade autour du lac avec le public, trois Padox entrent dans la salle commune de l'hôpital. Le tableau est saisissant, de nombreux malades, une bonne cinquantaine, livrés à eux-mêmes, certains prostrés, d'autres agités. L'entrée des Padox provoque l'indifférence totale de certains, les autres s'intéressent à ces intrus, les acceptent, entrent dans le jeu. C'est un moment incroyable, une rencontre de deux mondes qui communiquent au-delà des mots, par une présence étrange de l'un face à l'autre, une forte envie de communiquer.

À la fin de la sortie, au moment des commentaires, un Padox, un noir du Nordeste spécialiste de la coupe de la canne à sucre, m'a raconté qu'il pleurait dans son masque.

Lorsqu'ils sortent de l'hôpital, beaucoup de malades viennent les voir par la fenêtre. Ils se pressent pour les saluer. Les 40 se regroupent devant l'hôpital pour un dernier jeu au bord de la route. Et c'est le miracle de la rue, un petit train de touristes apparaît, tres beau, genre western, avec une énorme locomotive sur laquelle spontanément une bonne dizaine de Padox peuvent se percher, les autres poussent le train, la foule qui nous suivait depuis le début de la matinée est hilare, la sortie s'éternise, au bout d'une heure on a du mal à les faire retourner au bus.

Nous déjeunons tous ensemble au restaurant du festival. Les festivaliers leur font un bel accueil, se lèvent pour applaudir leur entrée, et commencent à leur parler. C'est très important pour les détenus, cette intrusion dans la vie et cette reconnaissance des professionnels.

L'après midi, à 17h, au moment où le soleil va se coucher sur Sao José de Rio Preto, nous donnons, dans un théâtre de verdure au bord du lac, la deuxième et dernière représentation des "Quatre saisons" devant une foule énorme qui envahit les gradins, 1000 à 2000 personnes, qui connaissent déjà les Padox pour les avoir déjà croisés en ville, pour les avoir vus dans les journaux ou à la télévision. C'est un public très populaire, simple, direct, amusé, qui applaudit certaines scènes, rit aux interventions vocales de Jeanne, et leur fait une "standing ovation" à la fin du spectacle.

Et, chose importante, les applaudissements redoublent lorsque les Padox enlèvent leurs masques et qu'apparaissent leurs vrais visages. Habituellement, on ne démasque jamais les Padox, préférant garder le mystère, mais ici, il était important de les faire saluer à visage découvert.

Alors se joue un final improvisé, à la brésilienne, remise de trophées, un pour les détenus, un pour notre Compagnie, discours, embrassades à n'en plus finir où les détenus nous marquent leur profonde amitié, puis l'un d'entre aux chante le Rap des Padox, de sa composition, les capoeiristes font une brillante démonstration, le public reste, les entoure, les félicite, c'est un énorme succès, une bouffée de bonheur pour tout le monde, pari réussi, au-delà de toute espérance.

On range le matériel, et, avant de partir, discours de nos Padox qui disent à Jeanne et à moi que nous sommes leurs parents adoptifs, qu'ils ont vécu une expérience inoubliable. À nous, à nos compagnons Albine et Hervé, ils font de superbes cadeaux, des Tee-shirts de l'IPA signés par tous, sur lesquels Gabriel, l'artiste, a dessiné au feutre de véritables tableaux, adaptés à chacun, pour moi un ange Padox, pour Jeanne un Padox cheminant sur une route toute droite, pour Albine un Padox dans les flammes de la salamandre, pour Hervé un Padox avec un perroquet. Et puis ils ont sculpté un bébé Padox en fer, un Padox capoeiriste, une tenue de capoeira pour Albine, un berimbau pour Hervé. Et enfin Gabriel m'offre un superbe tableau peint sur une écorce de palmier.

Discours à nouveau, pour dire leur joie, leur espoir d'une vie meilleure, les gardiens, le Directeur s'expriment et disent que nous avons contaminé l'IPA, on s'embrasse, les larmes coulent, on n'en finit pas de se quitter. On s'écrira. Et le Directeur du festival , Jorge, assure que l'expérience sera poursuivie avec d'autres compagnies. Ces dix jours de vie, de travail, de discussion, d'échange et de don, avec ces 40 personnalités sont pour nous inoubliables, ils donnent du sens à notre métier, je crois pouvoir dire que l'échange a été total. Une réflexion de l'un d'entre eux nous a marqués : "Maintenant nous sommes prêts pour la société. La société est-elle prête pour nous ?




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