Compagnie Dominique HOUDART - Jeanne HEUCLIN

Gazette de Novembre

Montréal, mi octobre, c'est la fin de l'été indien : les parcs ont des couleurs rougeoyantes, magnifiques, les Québécois sont accueillants, détendus, le public chaleureux. Oh bien sûr il y a l'administration, particulièrement à l'immigration, qui nous demande sèchement ce que nous venons faire ici, fièrement nous annonçons une conférence, un stage Padox et 4 représentations du "Petit théâtre d'objet des philosophes", le fonctionnaire nous annonce que nous aurions besoin d'un permis de travail, puis nous laisse entrer, et nous colle un papier dans notre passeport stipulant que nous n'avons ni le droit de travailler, ni d'enseigner à l'université, et que nous devons être partis le 31 octobre. Nous avons respecté le 3e point, mais le lendemain de l'arrivée, Jeanne et moi donnions une conférence, à l'université Québécoise à Montréal (UQAM), puis nous passions une semaine a animer un stage Padox pour l'Association des Marionnettiste Québécois (AQM) suivi de 4 représentions de nos philosophes. Représentations organisées par les Casteliers, important festival de marionnette dirigé par Louise Lapointe, devant des salles pleines. Et, à notre plus grande joie et surprise, dès le lendemain et le surlendemain de la première, sortaient deux critiques. La première, la voici

Le petit théâtre d'objets des philosophes : éveilleur de conscience

Michelle Chanonat / 23 octobre 2013 Même si, selon Plutarque, "la barbe ne fait pas le philosophe", Dominique Houdart, porteur d'une barbe blanche que le Père Noël lui envie, philosophe dans son castelet comme Platon dans sa caverne. à l'aide de pots en terre cuite, d'un carré de sable, de marteaux ou d'un bâton de cire d'abeille, Houdart fait en 55 minutes l'évidente démonstration des bienfaits de la philosophie dans nos vies d'êtres-pensants. Auteur du texte, Houdart a mené un impressionnant travail de recherche et d'écriture pour ce théâtre d'objets qui donne à "voir" la philosophie. Les objets utilisés sont ceux dont les philosophes se sont servis pour étayer leur démonstration. D'une voix douce et posée, le manipulateur livre son exposé avec un bonheur évident et des accents gourmands. Il goûte les mots des philosophes, il les rend gouleyants et aromatiques. De Socrate, il a retenu les trois tamis: vérité, bonté et nécessité, filtres sans lesquels un message n'aurait pas lieu d'être colporté. Avec les anneaux aimantés de Platon, il démontre la chaine de l'information qui se crée entre le poète, le rhapsode et le spectateur. Il s'amuse du marteau de Spinoza ("pour forger le fer on a besoin d'un marteau, et pour avoir un marteau il est nécessaire de le faire") et de celui de Nietzsche, instrument de destruction et de recréation du monde ("Il faut ausculter les idoles, les questionner à coups de marteau et, qui sait, percevoir pour toute réponse ce fameux "son creux" qui indique des entrailles pleines de vent"). La théorie de Schopenhauer, élaborée à partir d'un troupeau de porcs épics, selon laquelle la vie n'est possible en société qu'avec la politesse et les bonnes manières, est représentée par quelques baguettes et des pots de fleurs s'entrechoquant ; le mythe de Sisyphe, d'Albert Camus, s'illustre avec un caillou qui roule dans le sable. Avec Houdart, le Discours sur la méthode de Descartes devient limpide et Lucrèce s'entend en alexandrins.
Créé en 2012, Le petit théâtre d'objets des philosophes est un "grand petit" spectacle aux multiples vertus. Son dénuement volontaire, sa facture artisanale et son rythme reposent du brouhaha multimédiatique, son propos éveille une bénéfique et nécessaire réflexion et le tout réjouit les yeux et l'âme. Antidote à la bêtise et à l'ignorance, ce spectacle devrait être déclaré d'intérêt public.
Le petit théâtre d'objets des philosophes . Texte et mise en scène de Dominique Houdart. Production Compagnie Houdart-Heuclin. Au studio Valcourt du Conservatoire

Et la deuxième :
par David Lefebvre

Ces dernières années, les amateurs de marionnettes peuvent se dire absolument choyés par les nombreuses propositions de l'équipe de Casteliers. Encore une fois, elle fait mouche : en collaboration avec l'Association québécoise des marionnettistes (AQM), le Festival de Théâtre de l'Assomption et le Festival Phénomena, l'organisme du quartier Outremont présente, pour trois soirs seulement au Studio Jean-Valcourt du Conservatoire d'art dramatique de Montréal, Le petit théâtre d'objets des philosophes, l'un des plus récents spectacles de la compagnie française Houdart-Heuclin. étonnamment, celle-ci en est à sa toute première visite à Montréal, malgré le fait qu'elle célébrera, en 2014, rien de moins que son 50e anniversaire.
Noir. La salle est plongée dans un noir complet, comme la nuit des temps. Puis flambe une allumette, une étincelle de pensée, qui allume une chandelle et vient éclairer le visage de Monsieur Houdart, homme d'âge mûr à la magnifique barbe blanche. Placé derrière un grand meuble de bois, le comédien conteur, à la voix toujours grave, posée et solennelle (mis à part quelques moments plus ludiques), nous (ré)introduit aux plus célèbres réflexions de certains grands penseurs de l'humanité. Sans réel fil conducteur, sauf celui de la pensée humaine, se succèdent des tableaux parfois naïfs, parfois poétiques ou plus intellectuels, qui s'arrêtent quelques instants sur de sages raisonnements ou de petites histoires allégoriques de Plutarque, Deleuze, Platon, érasme, Descartes, Pascal, Spinoza et autres Schopenhauer, Nietzsche, Camus ou encore, plus près de nous, Michel Serres.

La création est d'une remarquable simplicité et d'une conception des plus traditionnelles : nul besoin d'une quelconque technologie pour faire briller la pensée de ces philosophes antiques et contemporains. Suffisent la voix et l'objet ; ce dernier est d'ailleurs utilisé ici en tant que figure, ou représentation, pour illustrer de manière fort éloquente les réflexions de ces hommes érudits. Qui plus est, ce sont "leurs" objets qu'on nous présente, d'où le titre : le tamis de Socrate, l'aimant de Platon, le marteau de Spinoza, les épines du hérisson de Schopenhauer ou la roche de Sisyphe de Camus prennent vie, sous nos yeux, et rendent encore plus accessibles la dizaine de récits philosophiques de la soirée. Une idée toute simple que celle-ci, mais utilisée de façon extraordinairement naturelle. Des pots de terre cuite, vides, suspendus tout autour du comédien, représentant l'esprit humain prêt à recevoir toute idée nouvelle qui germera et illuminera sa conscience, sont utilisés, entre autres, comme instruments de musique, fragiles et infrangibles à la fois, offrant leurs petites mélodies millénaires entre chaque tableau.
Si la barbe ne fait pas le philosophe, dixit Plutarque, ici, on ne se barbe assurément pas. Le petit théâtre d'objets des philosophes propose des moments tout aussi spirituels que rigolos, tout en lenteur, nous faisant découvrir au passage (et franchement, il était temps) ce merveilleux conteur qu'est Dominique Houdart. 23-10-2013

Outre ces représentations, nous avons animé un stage Padox. Nos stagiaires, de jeunes marionnettistes intéressés par le théâtre de rue, une superbe équipe. Le lieu : une vaste maison, derrière la caserne des pompiers d'Outremont, destinée à devenir la Maison de la marionnette de Montréal. Donc une sorte de préfiguration, dans un quartier délicat, où Louise Lapointe et les Casteliers mènent un travail d'implantation. Quartier délicat, car il est habité par la communauté de juifs hassidiques, qui ne parlent ni français, ni anglais, seulement yiddish, vivent selon la tradition la plus stricte, tenue noire pour tout le monde, barbe, chapeaux noirs et boucles pour les hommes, perruques et chapeaux pour les femmes, aucun contact avec la population, une vie en milieu fermé. La communauté a ses écoles, ses magasins. Les Padox ont joué leur rôle d'étranges médiateurs, provoquant d'abord refus et ignorance, puis éveillant la curiosité. Dès le deuxième jour les pères sortaient leur appareil photo, les enfants ne résistaient pas. Des familles entières nous rejoignent. Ils osent toucher, puis embrasser les Padox, regrettent de nous voir partir (ils vont revenir, les "hommes ?"). Des groupes d'enfants et de mères nous suivent dans la rue, un attroupement se forme devant le boulanger de la communauté. On nous offre des gâteaux.
Nos accompagnateurs, qui connaissent bien le quartier, étaient émus de voir cette belle évolution des rapports, que nos stagiaires souhaitent prolonger, on va s'organiser pour que cela puisse se faire en leur confiant quelques costumes.
Mais il fallait que l'administration cloture ce moment exceptionnel par des tracasseries, comme à l'entrée sur le territoire : dans notre matériel, nous avons des piles pour alimenter nos talkies-walkies (au Québec on dit walkies talkies), de la colle pour réparer les marionnettes, un petit bidon d'essence pour alimenter le livre enflammé de la fin du spectacle, des allumettes pour allumer une bougie... Eh bien tout cela est maintenant interdit, et nous a été confisqué, extrait de nos bagages au retour. Quand dans la dernière gazette nous parlions de marionnettes politiques, je ne croyais pas si bien dire : on nous suspecte de terrorisme.
Simple épisode qui ne nous fait pas oublier les moments très forts de ce séjour à Montréal.

PETIT THEATRE D'OBJET DES PHILOSOPHES

Ce spectacle évolue, de nouveaux textes ont été ajoutés récemment : "L'anneau de Gygès" de Platon, "Le mythe de Sisyphe" d'Albert Camus, un aphorisme de Plutarque, et un texte de Rumi (XIIIe siècle, créateur su Soufisme), pour le festival du Croissant à Prague, consacré à la littérature arabe et perse, occasion rêvée pour faire entendre ce texte de Rumi
Nous jouerons à Prague le 22 novembre, au Divadlo na Pradle à 19h

ZAZIE DANS METRO de Raymond Queneau, dans la subtile adaptation d'Evelyne Levasseur sera à nouveau à notre répertoire :
Le 17 novembre à 15h, à la Grange théâtre : A.M.A.C. La Grange-Théâtre
Le Beaumont Magdeleine
35134 Thourie
La saison prochaine, en avril, une série de représentations au Théâtre du Chêne Noir en Avignon. Fidélité, amitié, compagnonnage. ________________________________________________________________ Amicalement
Dominique Houdart et Jeanne Heuclin


Renseignements :
Nouvelle adresse

Cie Dominique Houdart-Jeanne Heuclin
12 RUE VAUVENARGUES
75018 PARIS
Tel 01 42 81 09 28
GSM 06 11 87 62 77
Siret: 353 180 813 00035
APE 923 A
Licence cat 3 n 15816
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