Car lorsque la révolte se fait terreur, elle devient totalement improductive de progrès social, et d'énergie politique. Ce phénomène nouveau semble assez symptomatique de notre époque, qui a tendance à confondre la sainte colère et le terrorisme aveugle. Tout se passe comme si les révoltes ne trouvaient plus un cadre progressiste. Faut-il en conclure que l'idée de progrès n'existe plus, que l'humanité est condamnée à vivre des terreurs et des contre terreurs, de la violence et des défenses, des agressions et des protections ?
C'est vraisemblablement ailleurs que peut se développer le progrès. L'évolution de la conscience est telle que la révolte et l'affrontement sont de moins en moins des moyens de progrès. Ce n'est pas ainsi que pourront se résoudre les grands conflits mondiaux, ni la guerre de l'islam contre l'occident, ni le conflit israélo-palestinien, ni la guérilla colombienne. J'imagine que le progrès, si la mondialisation n'est pas un leurre, viendra de l'ouverture totale des frontières et de la libre circulation des individus, de la non-violence imposant un désarmement généralisé. Je rêve qu'il soit le contrepied de la révolte, et le début d'une démocratie à l'échelle non pas des régions ou des nations, mais de la planète. Utopie réalisable, mais totalement opposée à toute idée de nationalisme. Quel chemin à parcourir avant de rendre la terreur obsolète ! Tant que l'humanité restera dans ce vieux schéma du désir mimétique analysé avec tant de pertinence par René Girard, tant que nous aurons besoin d'affrontements pour vivre ces crises, de bouc émissaire pour calmer la violence, l'humanité risque de ne pas pouvoir atteindre à la sérénité.Combien de kamikazes, de bombes humaines, de victimes sacrificielles faudra-t-il avant d'aspirer à la sagesse ?
Les artistes ont sans doute un rôle éminent à jouer dans cette perspective. L'idée d'oeuvre et de création doit être omniprésente dans l'activité humaine, placée au dessus des actes d'échange et de commerce. L'oeuvre ne se consomme pas, elle se vit. La création est le possible substitut à la révolte et à la violence. Cela passe par une formation du public, mais aussi une profonde transformation de l'état d'esprit des artistes qui doivent tenir compte des aspirations de la société, plus que des états d'âme des subventionneurs. À la culture institutionnelle, pourquoi ne pas substituer une culture sociétale ?
Et ce n'est pas une mince affaire : car on ne peut se contenter de proposer des oeuvres, des créations individuelles, quelle que soit leur qualité. L'art est un acte individuel. Ce qu'on appelle culture, (et les définitions abondent) peut être considéré comme un acte collectif qui repose sur des valeurs communes. Notre culture, celle à laquelle on peut aspirer, ne peut éclore dans les circuits commerciaux, mais dans la cité, dans la rue, où artistes et citoyens mêlés retrouvent le sens de la communauté, de la fête, de l'imaginaire, de la poésie et de la vibration collective, bien loin des fêtes parachutées, imposées ou récupérées.
Pour une belle nuit blanche, combien de nuits noires ?
Les civilisations sont mortelles, certes, mais les oeuvres sont-elles pas immortelles ?
La catharsis pourra-t-elle remplacer l'explosif ?
L'oeuvre précèdera-t-elle la poudre ? Quoi qu'il en soit, elle lui survivra.
Dominique Houdart et Jeanne Heuclin.
Stage Padox pour les élèves de l'Ecole du Théâtre du Chêne Noir à Avignon, les 1er et 2 avril, sorties dans les rues d'Avignon les 12, 13 et 16 avril.
Nous pouvons accueillir quelques stagiaires ne faisant pas partie de l'Ecole.
Cie Dominique Houdart-Jeanne Heuclin
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